Amir Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed peuvent enfin souffler. Annulé en 2020 et organisé en simple visioconférence en 2021 pour cause de pandémie, l'Africa CEO Forum est cette année de retour dans sa version physique. Vache à lait du groupe Jeune Afrique cogéré par les deux frères, le grand raout a débuté hier et se tient encore ce mardi à Abidjan, en présence notamment du président ivoirien Alassane Ouattara, ami de longue date de leur père Béchir Ben Yahmed, décédé l'an dernier. Le pays n'a pas été choisi au hasard : Amir Ben Yahmed a obtenu la nationalité ivoirienne le 16 décembre.
Reste toutefois une autre préoccupation, et non des moindres : boucler la levée de fonds que, selon nos informations, le groupe a lancée il y a déjà plus d'un an. Frappé de plein fouet par la crise du Covid-19, Jeune Afrique était à court d'argent frais. D'après un document présenté en avril 2021 à de potentiels investisseurs et que La Lettre A s'est procuré, les frères Ben Yahmed cherchaient 10 millions d'euros, en échange de 20 % du capital.
Une société offshore pour loger les fonds
Ces démarchages n'auraient toujours pas abouti. C'est du moins ce qu'a à nouveau assuré fin mai, en interne, Amir Ben Yahmed, très peu disert sur cette recapitalisation. Le PDG a pourtant vu large sur le profil des nouveaux actionnaires, puisqu'il est prêt à accueillir des Etats africains à son capital. La plaquette envoyée aux investisseurs précise en effet que le groupe s'est lancé en quête d'un actionnariat africain, institutionnel ou "public, qui concilie la mission des marques du groupe et celle des Etats, au service du développement du continent".
Jeune Afrique noue de longue date des relations commerciales avec des Etats, suscitant des questions éditoriales récurrentes sur sa couverture des pouvoirs politiques en Afrique. Sa filiale événementielle Africa Communication Events, domiciliée à Genève, compte pour clients la Côte d'Ivoire, la Tunisie, le Congo ou encore le China-Africa Investment Forum. Le site du magazine a de son côté un partenariat avec le Quotidien du peuple, média d'Etat chinois dont il publie les articles (LLA du 13/09/21).
Pour mener cette levée de fonds, les frères Ben Yahmed passent par leur société offshore Bayani Capital, enregistrée à l'Ile Maurice. Cette holding a injecté en janvier 2 millions d'euros au capital du groupe Jeune Afrique. Contacté, Amir Ben Yahmed ne souhaite toutefois pas préciser si cette somme a été réunie dans le cadre du tour de table ou si elle provient de capitaux personnels.
Promesse d'une forte croissance
En interne, on soupçonne la direction d'avoir en réalité déjà rassemblé les fonds qu'elle cherchait. Les travaux coûteux qu'elle entame cet été dans les locaux du magazine panafricain alimentent ces doutes.
La marge de manœuvre financière de Jeune Afrique était en tout cas bien plus contrainte au sortir de la crise sanitaire. Le groupe a vu en 2020 son chiffre d'affaires consolidé s'effondrer de 63 % pour tomber à 9,3 millions d'euros, entraînant une perte nette de 11,5 millions d'euros. La direction a dû réagir rapidement en annonçant fin 2020 un plan de sauvegarde de l'emploi qui s'est traduit par le départ de 20 salariés en 2021, et en souscrivant à six prêts garantis par l'Etat (PGE) pour un total de 5,5 millions d'euros. D'autant qu'un emprunt de 4 millions d'euros contracté à la BNP avant la pandémie arrivait à échéance en mars 2022.
Les deux dirigeants ont promis à leurs futurs soutiens financiers de rapidement redresser la pente : le groupe vise un résultat d'exploitation de 6,6 millions d'euros en 2025, contre 402 000 euros en 2019 avant la crise sanitaire.
Article mis à jour le 14/06/22 à 9 h 10.