Probablement soucieux du bien-être de ses collaborateurs et désireux de les voir briller en société, TotalEnergies a envoyé le 11 mai à 57 000 de ses salariés un "kit" de communication. Intitulé "Un dîner presque parfait", le document de sept pages, élaboré par la direction de la communication pilotée par Damien Rebourg, fournit un argumentaire pour répondre aux "polémiques concernant la compagnie".
Pour cette première édition, ce guide aborde dix points allant du projet pétrolier controversé du groupe en Ouganda et en Tanzanie jusqu'aux accusations de greenwashing, en passant par un éventuel déficit d'attractivité auprès de jeunes talents.
En écho à la polémique de cet hiver sur les "superprofits" et le partage de la valeur, la note interne aborde aussi l'épineuse question "du partage de la création de valeur ajoutée" et de l'imposition de TotalEnergies sur le sol français.
Quelques oublis sur les impôts
TotalEnergies se défend de ne pas payer d'impôts en France. Elle avance le chiffre de "200 millions d'euros d'impôts sur les sociétés et taxes de solidarité européenne sur le raffinage et l'électricité auxquels il faut ajouter 2 milliards d'euros de taxes et cotisations sociales". Le premier chiffre fait référence à la nouvelle contribution européenne de solidarité sur les profits des groupes énergétiques mise en place en 2022, tandis que le second correspond aux charges patronales.
L'énergéticien admet tout de même n'avoir rien payé à l'Etat en 2021 à cause "d'un résultat fiscal déficitaire". Le document omet toutefois de préciser que le groupe n'a rien payé en 2019 et 2020 non plus. La multinationale reste par ailleurs plus floue sur les années précédentes, à rebours de la volonté de transparence affichée. Comme le montrait L'Obs dans une enquête en octobre, TotalEnergies a régulièrement échappé à l'impôt sur les sociétés ces dix dernières années, alors même que l'entreprise touche un chèque de l'ordre de 70 millions d'euros par an au titre du crédit d'impôt recherche (CIR).
Et le salaire du patron ?
Destiné à faire des "collaborateurs nos premiers ambassadeurs", selon la direction de la communication de Total, "le dîner presque parfait" est censé répondre aux questionnements soulevés par la presse et les réseaux sociaux. Pourtant, ce memo n'aborde pas le salaire de Patrick Pouyanné. Le 18 octobre 2022, le PDG de la compagnie pétrolière avait enflammé Twitter en révélant lui-même ses émoluments sur les cinq dernières années. En 2022, il avait touché près de 6 millions d'euros, soit près du double qu'en 2021, mais peu ou prou la même chose que les trois précédentes années. La part variable, indexée sur les résultats de l'entreprise, était remontée en flèche avec l'augmentation des prix de l'énergie.
Preuve que le sujet agite en coulisses et que la réputation en ligne de Total est fragilisée, la compagnie s'est mise en quête d'un responsable "employee advocacy & programme dirigeants", il y a deux semaines. La future recrue devra recruter et piloter 300 ambassadeurs chargés de prêcher la bonne parole sur les réseaux sociaux et de mener la riposte face aux attaques menées contre la compagnie.