La France d'en haut avait rendez-vous à l'Elysée, mercredi 22 février, par-delà les étiquettes politiques et les rôles institutionnels, à l'occasion de la double décoration de Jean-Pierre Raffarin et Laurent Burelle. Si l'AFP a rendu compte de la remise du grade de grand-croix de la Légion d'Honneur par Emmanuel Macron à l'ancien premier ministre de Jacques Chirac, la distinction du patron de Plastic Omnium, dans l'ordre du Mérite, avait quant à elle vocation à rester privée et ne figurait pas à l'agenda officiel de l'Elysée.
En effet, après que Le Point a révélé que le président avait honoré d'une rosette le fondateur d'Amazon, Jeff Bezos, le 16 février, malgré ses libertés fiscales et en plein débat sur la réforme des retraites, il n'était pas prévu de communiquer officiellement sur les mots aimables adressés à l'homme à la tête du plus puissant lobby patronal français, l'Association française des entreprises privées (AFEP), qui mène actuellement campagne contre les partisans d'un impôt exceptionnel justifié par la crise.
La rouge et la bleue
De l'avis général pourtant, la fête fut agréable. Parmi les nombreux liens qui unissent Jean-Pierre Raffarin et Laurent Burelle, l'affection commune pour Jacques Chirac est la plus notoire. Les deux hommes se côtoient aussi dans les restaurants choisis par le Club des Cent, cette confrérie secrète qui rassemblent les hommes portés sur la bonne chère et la cooptation (LLA du 09/01/23). Enfin, plus discrètement, le fils de Pierre Burelle, fondateur de l'équipementier automobile, a recruté l'ex-sénateur de la Vienne pour l'épauler en Chine, sur un marché en forte croissance où Plastic Omnium compte plusieurs usines et réalise une part importante de son chiffre d'affaires.
Depuis 2018, Jean-Pierre Raffarin, présenté par Emmanuel Macron dans son discours comme un "tempérament français" et un avocat de la "France d'en bas", est membre du conseil d'administration de Plastic Omnium Holding Shanghai, filiale de l'entreprise cotée au SBF 120. Last but not least, la complicité entre les deux hommes repose sur une commune affection pour Emmanuel Macron. Elevé à la dignité de grand officier de l'ordre du Mérite en novembre 2021, Laurent Burelle avait d'ailleurs insisté pour être décoré par le chef de l'Etat en personne, jusqu'à ce que germe l'idée de cette "bi-cérémonie" rouge et bleue.
Darmanin, Philippe, Riester...
Parmi la petite centaine d'invités, les ministres Gérald Darmanin et Franck Riester côtoyaient l'ancien premier ministre Edouard Philippe, les anciens ministres Jean-François Copé et Eric Woerth, mais aussi l'ancien secrétaire d'Etat Marc Laffineur. Ceux-ci ont pu deviser avec d'autres personnalités conviées, par l'un, par l'autre ou par les deux, comme la présidente d'Air France KLM, Anne-Marie Couderc ; l'ancien secrétaire général de la présidence de la République, Jean-Pierre Jouyet ; le commissaire européen Thierry Breton ; Dominique Bussereau, membre du conseil d'administration de CMA CGM et senior advisor chez Roland Berger ; la tête de pont de Mirabaud Private Equity Renaud Dutreil ou encore Yves Galland, qui fut ministre lors du premier quinquennat de Jacques Chirac, et par la suite patron de Boeing France.
Dans ce microcosme ne pratiquant pas de césure entre la sphère publique et la vie des affaires, figurait aussi le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, ancien directeur de cabinet de François Fillon et actuel membre du conseil d'administration de l'AFEP. A peine deux heures plus tard, ce dernier annonçait au 20 heures de TF1 qu'une partie des superprofits du groupe pétrolier permettrait le plafonnement du prix des carburants sous la barre des 1,99 €/l, jusqu'à la fin de l'année 2023.