Avis aux groupes européens qui préparent une importante fusion ou acquisition : une Américaine pourrait occuper à partir d'octobre l'un des postes les plus prestigieux de la DG concurrence de la Commission. Malgré l'opposition rencontrée par sa candidature, Fiona Scott Morton, professeure d'économie depuis vingt-quatre ans à Yale University, est pressentie pour être nommée chief economist de la direction générale chargée de faire appliquer les règles de la concurrence sur le marché intérieur de l'Union européenne (UE).
Révélée en avril par la presse anglo-saxonne, la candidature de cette Américaine, diplômée du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et ancienne chief economist à la division antitrust du Department of Justice (DoJ) américain sous Barack Obama, ne passe pas auprès de la société civile. Une coalition regroupant notamment le Balanced Economy Project, l'Open Markets Institute et l'European Digital SME Alliance - les petites et moyennes entreprises du secteur du digital - a écrit en mai à Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, pour l'alerter sur les conflits d'intérêts de Fiona Scott Morton, qui a conseillé plusieurs entreprises des Big Tech, dont Apple et Amazon, régulièrement accusés de pratiques anticoncurrentielles.
Plus récemment, Fiona Scott Morton a aussi travaillé pour Microsoft dans le cadre de son acquisition de l'éditeur de jeux vidéo Activision, autorisée en mai par la Commission européenne. Des missions de conseil qui mettent l'Américaine en porte-à-faux avec les fonctions de chief economist de la DG concurrence. Par ailleurs, au sein des Gafam, Fiona Scott Morton ne s'est pas fait que des amis. Elle avait sonné la charge contre Google et Facebook (devenu Meta), dans des articles largement repris, en 2020, où elle dénonçait la situation de monopole de ces deux entreprises.
Pas de Français en lice
Très respectée dans le petit cercle des spécialistes en droit de la concurrence, Fiona Scott Morton peut compter sur les réseaux américains auxquels Margrethe Vestager prête volontiers l'oreille. Cette dernière entretient notamment de bonnes relations avec Lina Khan, la présidente de la Federal Trade Commission (FTC), l'autorité de la concurrence américaine. Pour sa part, l'ancienne chief economist du DOJ dispose de réseaux à Bruxelles, où elle a travaillé avec une autre économiste, Cristina Caffarra, également conseillère de Microsoft sur le volet européen de l'achat d'Activision.
S'il est peu commun de voir des non-Européens recrutés à la Commission européenne, les dérogations sont possibles. Une fois désignée, Fiona Scott Morton remplacerait le Belge Pierre Regibeau. Nommé en 2019, celui-ci quittera ses fonctions en septembre. Côté français, le polytechnicien Thibaud Vergé aurait pu être un candidat crédible s'il n'était pas parti fin 2022 à la vice-présidence de l'Autorité de la concurrence en France, où il avait occupé le poste de chef économiste de 2010 à 2013. Cependant, Paris avait d'autant moins de chance de caser l'un des siens qu'un Français, Olivier Guersent, occupe déjà le poste de directeur général à la concurrence depuis 2020.